LE BLOG DU ROMAN «CITÉ CÉLESTE»

Langage et écriture

Selon divers linguistes, nous sommes redevables à Dante ALLIGHERI d’avoir théorisé vers 1290 les qualificatifs d’oïl pour le français et d’oc pour l’occitan. On devrait plutôt admettre que l’ancienne Gaule pratiquait une myriade de dialectes répartis en quatre grandes familles linguistiques. Les deux principales sont romanes, à savoir le gallo-roman septentrional ( oïl) et le gallo-roman méridional (oc). Le francoprovençal au sud-est et le breton sont les deux autres familles non romanes.

Si les gens attachés à la terre ne parlent probablement que leur dialecte local, en revanche des nobles, des marchands et les clercs éduqués peuvent parler ou comprendre plusieurs langues. Le latin d’église est l’idiome commun des religieux. Au sud, l’occitan est la langue véhiculaire des marchands. En règle générale, la communication orale n’est jamais un gros problème pour ceux qui se déplacent loin, d’autant plus que l’absence de culture écrite favorise l’apprentissage par mémorisation. Au bénéfice exclusif des pèlerins, Constantinople inventera plus tard le métier rémunéré de drogman, traducteur professionnel.

Après un bref renouveau sous Charlemagne, l’enseignement du grec était presque totalement perdu au XIe siècle, sauf en Italie du sud et en Sicile. C’est tout juste si recopier des lexiques et glossaires très approximatifs survivait, tant bien que mal, par exemple à l’abbaye de Saint Denis. On le pratiquait et l’enseignait aussi vraisemblablement à Saint Gall en Suisse, peut-être par complaisance pour l’épouse de l’empereur germain Otton II, la Byzantine Théophanô.

Au XIème siècle apparaît une pratique de l’écrit administratif chez les grands seigneurs, laïcs ou clercs, généralisée plus tard dans toute la société.
Le tabellion est un scribe professionnel qui préfigure le notaire. Ce second sera spécialisé en droit romain et disposera du pouvoir d’authentifier des actes.
Le chancelier est responsable des archives officielles et publiques de l’évêché. D’autres clercs sous ses ordres peuvent s’occuper de la rédaction des écritures privées, comme la correspondance ordinaire et les contrats d’achats.
Le cartulaire est un recueil d’actes qui contient les titres de droit ou de propriété, les successions et privilèges temporels d’une église ou d’un monastère. Il est rédigé à titre d’archivage juridique pour protéger un droit allégué, ou à but apologétique pour se donner une légitimité historique.

Depuis l’époque antique, différents procédés mnémotechniques sont connus et utilisés pour constituer une culture individuelle et collective qui n’utilise pas, ou peu, l’écriture. Mais au-delà, des historiens démontrent qu’une bonne mémoire n’est pas seulement un lieu où ranger les choses apprises « par cœur », mais aussi un ensemble de boîtes mentales pour la créativité. Ainsi une riche lettrine, le dessin et la sculpture dans une église, le plan même d’un monastère, fournissent des systèmes d’images comme autant de « machines à penser », selon Mary Carruthers.