LE BLOG DU ROMAN «CITÉ CÉLESTE»

Maladies et épidémies

La médecine grecque d’Hippocrate et de Galien fera autorité jusqu’à la Renaissance. Elle postule l’équilibre dans l’homme des quatre éléments et des quatre qualités, air, feu, eau, terre / chaud, froid, sec, humide. Tout déséquilibre entraîne la maladie ou le désordre psychique. Tout rééquilibre conduit à la guérison et à la sérénité.

L’homme médiéval vit dans un monde ou tout est correspondances symboliques. L’«Ignis Sacer », une des épidémies aujourd’hui bien caractérisée, était identifié au « feu de Saint-Antoine », par analogie mystique avec les effets de la tentation sur l’ermite égyptien. Par correspondance également, la victoire spirituelle de l’ermite sur le mal préfigurait la guérison du corps du malade.

« Ignis Sacer », c’est l’ergotisme, une maladie par empoisonnement. Elle est causée par l’ingestion d’alcaloïdes toxiques, l’ergotamine et l’ergométrine contenues dans un champignon de céréales, principalement le seigle, qui s’accumule en ergot à la base de l’épi. Les symptômes sont de deux ordres : forme gangréneuse et forme convulsive. Dans la première, elle induit une vasoconstriction des parties finement vascularisées, mains et pieds, qui conduit à une nécrose sèche, puis au détachement spontané des membres touchés. La seconde déclenche des délires et des hallucinations causées par le diéthylamide de l’acide lysergique, autrement dit LSD. Le chimiste Stoll de la firme Sandoz isolera ces alcaloïdes en 1921 pour élaborer un médicament utile à la maîtrise des hémorragies. Depuis l’Antiquité, cette maladie fait des ravages considérables partout en Europe où le seigle est cultivé. Fait notable, les récits s’attachent exclusivement à la description gangreneuse, et lui réserve l’expression « Ignis Sacer », feu sacré, qui désigne tout types de gangrène en général, indépendamment de leur étiologie. Pendant des siècles, l’habitude pesante des paysans sera de transformer le seigle sans se méfier de l’ergot. On ne dépistera la cause de la maladie qu’au XVIIIe siècle.

Pour favoriser un contact aisé avec les reliques de Saint-Antoine, les Antonins ont inventé une thériaque, préparation pharmaceutique à base de vin dans lequel les reliques ont trempé, ensuite largement diluée avec des plantes médicinales pour une large consommation. On suppose que les quatorze plantes peintes sur le retable d’Issenheim de Matthias Grünewald entrent plus ou moins dans sa composition. Il s’agit des chiendent, dompte-venin, épeautre, gentiane, lamier blanc, pavot, plantain lancéolé, plantain majeur, renoncule bulbeuse, souchet blanc, scrofulaire aquatique, trèfle rampant, véronique, verveine.

Signe de la poussée de croissance urbaine de ce moyen âge central, les hôpitaux et oeuvres de charité se multiplient, non plus seulement pour accueillir les pèlerins et les mourants, mais véritablement pour soigner. Les sources historiques témoignent toutefois que les hôpitaux de l’époque trient les malades. Ainsi vers 1200, l’hôpital Saint-Jean d’Angers n’admet pas les lépreux, les paralytiques, les ergoteux.