Le monastère de Cluny est fondé en 910 suivant la règle de Benoît de Nursie. Seulement six abbés, Bernon, Odon, Aymard, Maïeul, Odilon et Hugues se succèdent en deux cents ans. Bénéficiant de leurs auras prodigieuses, il jouit d’une continuité exceptionnelle. Il s’établit au XIe siècle comme seconde capitale de la chrétienté d’occident, après Rome, et première force de tout l’appareil monastique.
En 1024, le pape Jean XIX délivre un privilège d’exemption à Cluny. « Celui qui aura vécu d’injustice pourra y faire pénitence dans l’au-delà ; celui frappé d’anathème y trouvera sépulture. On ne lui refusera pas le pardon et la miséricorde attendue, on ne lui refusera pas le médicament de l’indulgence et du salut ». Cette exemption à l’interdit d’enterrement avec le sacrement de réconciliation pour les grands pécheurs est cependant limitée au site de Cluny. Le caractère clunisien qui inspire fortement le voyage d’Urbain II en 1097 justifie que ce pape en étende l’application à l’ensemble des établissements secondaires de l’ordre clunisien, qui forment alors un immense asile ecclésiastique. Il est par exemple attesté qu’en 1097 une dame Adélaïde donna à l’abbaye clunisienne de Saint-Jean-d’Angély une terre, afin qu’Aimeri, son défunt mari, soit transféré du lieu où il était enseveli en état d’excommunication afin d’être chrétiennement inhumé par les moines.
En cette fin de XIe siècle, la renommée de l’abbé Hugues de Cluny est immense dans toute la chrétienté. Parrain de l’empereur des Germains Henri IV, il a joué un rôle clé dans l’épisode de Canossa, comme intermédiaire avec la comtesse Mathilde, pour résoudre la querelle qui opposa son filleul à l’intransigeant pape Grégoire, exécrable diplomate mais lutteur persévérant, qui chercha inlassablement à desserrer l’étreinte des rois et des princes sur la papauté.
Il est aussi l’infatigable soutien des femmes dans l’accès à la prière. Pour elles, il a fondé sur ses biens personnels le prieuré féminin de la Sainte-Trinité à Marcigny.
Soucieux de bâtir des églises, tant de pierre que pour l’esprit, il a entrepris depuis sept ans en 1095 le chantier de construction de la plus vaste église-bâtiment de la chrétienté, de même qu’il a fortement développé les activités de son scriptorium à des fins hagiographiques et apologétiques.
L’église du monastère, aujourd’hui appelé Cluny III, reçut en son temps le surnom la Maior Ecclesia, « la plus grande église ». D’une taille absolument exceptionnelle pour ce siècle, la seconde reconstruction de l’abbatiale primitive de Cluny restera le plus grand édifice de culte de l’occident, jusqu’à la construction de la basilique Saint Pierre de Rome, au milieu du XVIè siècle.
Suite à sa destruction pendant la Révolution, il n’en demeure aujourd’hui que quelques vestiges.